Une chanson de Bono et deux sur la mort dans l'album blues dont il rêvait. Nous l'avons écouté en exclusivité
Si, aujourd'hui, vous demandez à Johnny Hallyday s'il est français, s'il est belge, ou s'il est monégasque dans l'âme, il vous répondra - en anglais - "I'm the blues". C'est le titre de la chanson que Bono a écrite spécialement pour lui et pour cet album 100 % blues dont Johnny rêvait depuis de si nombreuses années et que son ancienne maison de disques, Universal, refusait de lui faire enregistrer. Pour le réaliser quand même, Johnny est donc passé à la concurrence, chez Warner. Ce CD sera dans les bacs à partir du 12 novembre. Nous l'avons écouté en exclusivité.
Bien sûr, la chanson de Bono - la seule en anglais - est celle que tout le monde attend. Johnny chantant Bono, c'est quand même quelque chose ! C'est aussi la dernière chanson du disque. La treizième. Si vous jouez le jeu et que vous respectez l'ordre voulu, il vous faudra attendre encore cinquante minutes avant d'y arriver.
Johnny a annoncé la couleur. Dans un album blues, il n'y aura pas de chanson faite avec des rappeurs ou d'autres exercices totalement inattendus. La règle du jeu ne s'y prête pas. Néanmoins, ces cinquante minutes contiennent leur lot de surprises. À commencer par une reprise d'une chanson de Francis Cabrel, Sarbacane. "Le ciel a même un autre éclat Depuis toi." Version à la sauce guitares électriques et dans le style "Je suis Johnny et avec moi ça déménage". Très étonnant.
Il y a aussi un duo avec Taj Mahal. En français. La chanson s'appelle T'aimer si mal. Assurément, un titre qui fera un malheur sur scène. Ambiance garantie. Pareil pour le titre suivant, Laquelle de toi.
Mais la grosse surprise du disque, et là on peut vraiment parler de coup de poing, c'est la thématique des chansons. Johnny Hallyday nous a concocté ici un album testament. S'il n'y avait les contrats signés avec Warner, on serait même en droit de se demander si Johnny Hallyday songe à enregistrer encore après ce disque-ci. Dans l'avant-dernière chanson du disque - sans aucun doute la plus belle -, Ce que j'ai fait de ma vie, il dit mot pour mot : "J'ai fait le tour je crois de ce qu'on pouvait attendre de moi. Quand je regarde en arrière, je ne vois pas ce qu'il me reste à faire". Plus loin, "Je laisse la place aux autres à venir".
Dans deux autres titres - consécutifs -, il évoque froidement la mort. Que restera-t-il ? est une chanson qu'il commence à la guitare sèche et à la voix tendre, une ballade toute simple : "Le temps est là qui me désarme, que restera-t-il de ma course autour du soleil ?" Où il quitte, et il a bien raison, son traditionnel Je suis seul devenu tellement caricatural pour un Je vais te laisser seule infiniment plus poignant.
La suivante, Ma vie, est beaucoup plus rythmée : "Je voudrais m'endormir comme avant, sans la crainte de ne pas me réveiller". Plus loin : "La vie s'arrête et puis c'est fini. Comme un point au bout d'une ligne".
Pour le reste, le blues de Johnny Hallyday n'est pas celui de John Lee Hooker ou de Muddy Waters. Il est rythmé par des guitares électriques, des performances vocales et, parfois, extraordinaires dans Monument Valley, la première chanson du CD, par des choeurs. Arrive enfin la chanson de Bono. Bien conçue. Elle permet au chanteur de jouer sur toutes les nuances de sa voix. Un régal pour un grand interprète.