Dans son dernier livre, il avoue avoir cédé à l'amour physique «de façon passagère»
BRUXELLES «Catholiquement incorrect.» C'est ainsi que certains observateurs ont déjà qualifié le dernier livre de l'abbé Pierre, écrit avec Frédéric Lenoir, Mon Dieu, pourquoi? Dans cet ouvrage, paru aux éditions Plon et qui sera disponible chez nous dans le courant de la semaine prochaine, le fondateur d'Emmaüs lève de nombreux tabous, à commencer par sa vie sexuelle. «Le fait que j'aie consacré très jeune ma vie à Dieu n'enlève rien à la force du désir, et il m'est arrivé d'y céder de manière passagère», souligne-t-il. Mais l'abbé précise qu'il n'a jamais eu de liaison régulière. «Je n'ai pas laissé le désir sexuel prendre racine. Cela m'aurait conduit à vivre une relation durable avec une femme, ce qui était contraire à mon choix de vie.» Pour lui, en tout cas, «aller vers la suppression du désir, c'est d'une certaine manière réduire la vie, la limiter, et le désir en soi n'est pas un obstacle au progrès spirituel. Seulement, il faut savoir orienter ses désirs.» L'abbé Pierre, qui avait déjà reconnu dans le passé avoir connu une longue passion platonique pour un choriste, estime aussi que le célibat des prêtres ne doit plus être obligatoire. A cet égard, il dit connaître des prêtres vivant en concubinage avec une femme et, pour autant, «ils continuent à être de bons prêtres», dit-il. Il poursuit: «Puisque l'Eglise catholique permet depuis des siècles à ses communautés orientales d'ordonner des prêtres mariés, je vois mal pour quelle raison Jean-Paul II a pu affirmer récemment qu'il était hors de question de revenir sur le célibat des prêtres pour le reste de l'Eglise catholique». Pour l'abbé, cela permettrait de résoudre en partie la crise des vocations et la pénurie des prêtres. Il reste cependant persuadé qu' «il y aurait toujours autant de vocations au célibat».
L'ordination des femmes? L'abbé Pierre estime que continuer à l'interdire, «c'est perpétuer le machisme antique. Qui peut soutenir que la femme est inférieure à l'homme ou bien incapable d'enseigner et de gouverner?», écrit-il.
Par ailleurs, il dit comprendre le désir des couples homosexuels de faire reconnaître leur amour. Quant aux enfants, l'important, selon lui, c'est de s'assurer que les enfants de parents homosexuels ne subissent pas de préjudice psychologique ou social: «Ce serait à mes yeux la meilleure raison qui pourrait interdire l'homoparentalité. Car pour le reste, on sait tous qu'un modèle parental classique n'est pas nécessairement gage de bonheur et d'équilibre pour l'enfant.» Enfin, il évoque la papauté, qui «reste trop puissante encore», et Benoît XVI, qui «pourrait se bonifier». L'abbé Pierre, on le sait, n'a jamais pratiqué la langue de bois. Ses prises de position risquent de faire quelques vagues.
