De Gaulle à la plage

Un personnage, c’est d’abord un physique. Ferri l’a bien compris et croque parfaitement la grande carcasse chef de la France libre, se concentrant, pour le visage, de quelques traits tellement célèbres qu’il n’y a pas besoin de les préciser. Surtout, un personnage, c’est une personnalité - ce que beaucoup d’auteurs ont parfois tendance à oublier en créant des protagonistes interchangeables. De Gaulle est fier (c’est tout de même grâce à lui que les Français sont libres), altier, presque royal dans son attitude, et reste la figure historique que l’on connaît. De Gaulle est au-dessus de la foule - même la nature semble lui obéir -, tout en retenue, tout en détachement. Mais de Gaulle s’avère aussi franchement à l’ouest, déconnecté de la réalité, marqué par la guerre, répétant à l’envi les actions qui le rendirent célèbre.
Le catapulter sur une plage, avec un gros short et sa petite famille, crée immédiatement un décalage comique, savamment exploité par Ferri. Si le général a, comme tous les hommes politiques, fait l’objet de parodies ou de dessins de presse humoristiques, personne, jusqu’à Ferri, n’avait finalement vraiment décelé l’énorme potentiel comique qu’il possédait.
Soutenu par des couleurs à l’ancienne, formées d’une multitude de petits points, le scénariste du ‘Retour à la terre’ enchaîne les gags laconiques, à l’écriture ciselée, dans laquelle chaque mot est soupesé pour faire mouche à chaque fois. Non seulement, Jean-Yves Ferri a eu une idée géniale, mais il a su l’exploiter avec un tel talent qu’il livre l’un des albums les plus drôles de l’année.

ça doit pas etre mal